Marie, en hôtel social et bénévole : « On a toujours besoin de toi quelque part »
Marie Zouo-Manh est bénévole au Secours Catholique de Meaux (77). En 2020, elle a proposé d’ouvrir la cuisine de l’association aux femmes vivant dans des hôtels et n’ayant nulle part où préparer des repas pour elles et leurs enfants. Une idée inspirée par sa propre situation.
Assise sur un canapé qui lui sert aussi de lit, Marie Zouo-Manh prend garde de ne pas trop élever la voix. Elle ne veut pas réveiller son fils, Maady, 3 ans et demi, qui fait la sieste à côté d’elle. Depuis son arrivée en France, en 2018, la jeune Ivoirienne de 34 ans a toujours vécu dans cet hôtel de la zone industrielle de Meaux (Seine-et-Marne).
Dans la chambre de 12 m2 qu’elle partage avec Maady, le moindre espace est utilisé. Marie espère bientôt déménager dans un studio, plus grand, ou un appartement. Elle a engagé pour cela une procédure Dalo (Droit au logement opposable). Avoir son propre logement lui sera indispensable pour exercer le métier d’assistante maternelle auquel elle se forme depuis septembre.
À cette époque, je ne pouvais pas travailler car j’attendais d’être régularisée. Je me sentais insignifiante.
En attendant, Marie patiente. Sa situation progresse lentement… mais sûrement. Lorsque la jeune femme a poussé la porte du Secours Catholique de Meaux pour la première fois, en 2019, elle était isolée et sans papiers.
« J’accompagnais une autre maman de l’hôtel qui venait dans le cadre de ses démarches Dalo, précise-t-elle. À cette époque, je ne pouvais pas travailler car j’attendais d’être régularisée. Je me sentais insignifiante. Je ne dormais pas bien, je n’arrivais pas à manger… Ici, on appelle ça une dépression. »
C’était un jeudi, se souvient-elle. Le local du Secours Catholique est alors bondé. Un repas vient d’être partagé. Bien qu’elle n’y ait pas participé, Marie aide spontanément à desservir. Et pour la première fois depuis longtemps, « je me suis sentie utile, dit-elle en souriant. Ça m’a fait du bien. » À la fin de la journée, la jeune femme demande à un bénévole si elle pourrait elle aussi donner de son temps. « Il a transmis ma demande, qui a été acceptée. Puis j’ai eu deux jours de formation. »
Une idée a mûri : « J’ai proposé qu’on ouvre, tous les jours, la cuisine du Secours Catholique de Meaux aux femmes qui vivaient comme moi à l’hôtel et qui, sans cuisine collective ni autorisation de cuisiner dans leur chambre, n’avaient aucun endroit où préparer des repas. » Le projet a été entériné.
Engagement
Aujourd’hui, via la messagerie en ligne WhatsApp – « pratique car je peux échanger par messages vocaux avec les femmes qui ne savent pas lire » –, Marie gère les réservations de créneaux horaires par les mamans intéressées et mobilise des bénévoles pour les accompagner. Cet engagement lui a beaucoup apporté, déclare-t-elle :
« Cela m’a ouvert l’esprit et des possibilités. » La jeune femme en a aussi tiré une leçon : « Tu n’es jamais inutile. On a toujours besoin de toi quelque part. »